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Bulletin Charles Maurras

Enquêtes sur le comte de Paris
par Yves Chiron

(article paru dans le quotidien Présent le 23 juin 2007)

Vincent Meylan est, dit le 4e de couverture de son livre, « Chef du service royauté à Point de vue ", c'est-à-dire qu'il traite des événements qui touchent les familles régnant en Europe ou ayant régné jadis. A ce titre, il a été familier du comte et de la comtesse de Paris pendant quinze ans. Aujourd'hui, sous un titre un peu gonflé comme une baudruche, il nous livre une biographie, parallèle de feu le comte et la comtesse de Paris. Il y en a déjà eu, il y en aura d'autres.

Celle-ci éclaire-t-elle la vie de celui qui fut le prétendant, le plus sérieux, à la Couronne de France ? Vincent Meylan est d'abord un chroniqueur mondain. Son livre éclaire utilement, à partir d'archives incontestables et de témoignages directs des intéressés (le comte de Paris, la comtesse de Paris, Madame Friesz, la dernière « compagne » du comte de Paris), la vie sentimentale du comte de Paris. Son livre rectifie aussi les rumeurs sur la fortune des Orléans et la dilapidation de l'héritage auquel se serait livré le défunt comte de Paris. Vincent Meylan démêle des comptes compliqués et explique clairement ce qui, pour un profane, pouvait apparaître comme incompréhensible.

Quand il évoque les relations du comte de Paris avec le mouvement monarchiste, Vincent Meylan est, non seulement, guère convaincant mais guère informé. Il se contente de répéter la vulgate qu il a trouvée dans les Mémoires du comte de Paris. A l'évidence, Vincent Meylan n'a pas ouvert un seul numéro de l'Action française et n'a lu aucun livre de Maurras (ou alors, s'il a ouvert et lu, c'est avec beaucoup de distraction et d'a priori).

Le comte de Paris aurait exprimé, dès le début de son action politique, des « réserves » vis-à-vis des « extrémistes de l'Action française » et n'aurait attendu « qu'une occasion pour prendre un peu de distance par rapport au mouvement de Maurras » (p. 220). Il aurait jugé, très vite, l'action de Maurras « totalement inefficace » (p. 221).

A la vérité, le comte de Paris a longtemps été dans la ligne de sa mère, la duchesse de Guise (1878-1961), qui a été une admiratrice inconditionnelle de Maurras. Mais, en même temps, le comte de Paris n'a guère lu Maurras (pour employer un euphémisme) et n'est jamais entré véritablement dans ses raisons et démonstrations. Aussi, à partir du milieu des années trente, Henri, comte de Paris, jeune prince ambitieux, a voulu s'émanciper de Maurras et de l’Action française, avec le succès que l'on sait...

Les occasions manquées

A la fin de sa vie, le comte de Paris a confié à Vincent Meylan qu'à deux reprises il a cru possible un retour de la monarchie en France : « J'y ai cru deux fois. A Alger pendant la Seconde Guerre mondiale et avec le général de Gaulle dans les années soixante. La première tentative a échoué à cause des Américains. Roosevelt ne souhaitait pas que je prenne la tête de la France libre. Il a préféré soutenir Darlan, et après lui, Giraud, qui étaient entièrement à sa dévotion. Vingt ans plus tard le général de Gaulle m'a proposé de lui succéder. Il m'a déclaré: « En 1965, je ne me représenterai pas. C'est à vous de jouer". Son entourage politique a fait échouer le projet » (p. 423).

Le comte de Paris est naïf d'avoir cru que c'était seulement « l'entourage » de De Gaulle qui se riait du projet.

De Gaulle lui-même n'y a jamais vraiment cru. A-'t-il laissé une chance au comte de Paris? Peut-être, au début des années soixante. La chance de se faire connaître des Français et des élites, la chance de faire connaître ses idées. Mais De Gaulle sans doute a été déçu par le comte de Paris, son manque d'envergure ou son inadaptabilité aux mécanismes, sans gloire et sans grandeur, de la démocratie et des victoires électorales.

De œ livre, l'image du comte de Paris ne ressort ni ternie ni grandie. Humaine, trop humaine (y compris dans les dernières décennies de sa vie, loin de la comtesse de Paris).

En revanche, comme toujours dans œ qu'on lit sur la Famille de France, émerge, incorrompue par les idées du siècle et les pratiques du temps, la figure du prince Jean de France, duc de Vendôme, petit-fils du comte de Paris.


Vincent Meylan, Contre-enquête sur le comte et fa comtesse de Paris, Pygmalion, 460 pages.