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Bulletin Charles Maurras

Maurras et l'Eglise
Quand des auteurs catholiques méconnaissent l’Action française
par Jean Madiran

(article paru dans le quotidien Présent le 13 juin 2007)

Parlons aussi d'autre chose que d'échec électoral. Parlons du mouvement d'idées qui a vocation d'être l'âme du mouvement national. On n'en finit pas d'y parler de Maurras, que l'on rencontre sur tout chemin de ressourcement intellectuel. C'est un patrimoine moral, il importe de veiller à ne pas le laisser défigurer.

Les auteurs catholiques qui abordent ou effleurent le sujet de l'Action française et l'Eglise devraient éviter de renvoyer sans réserve le lecteur au livre de Jacques Prévotat, paru en 2001, Les catholiques et l'Action française. C'est un ouvrage violemment partial, autant que le résumé qu'il en a donné en 2004. Prévotat écrit pourtant, on aurait pu s'en apercevoir, que « la thèse » défendue par lui dans son livre veut faire de la pensée maurrassienne « un péril plus mortel encore que l'hérésie et qui réclame pour son extirpation les mesures les plus extrêmes ». Il est fort malveillant de mentionner un ouvrage écrit dans un tel esprit, et lui seul, comme documentation objective sur le sujet.

Prévotat trouve honnête d'accuser Maurras de complicité avec l'occupant [allemand] ; et, concernant ses relations avec l'Eglise, il assure en 2001, il réaffirme en 2004 que sept livres de Maurras et toute la collection de L'Action Française jusqu'en 1939 demeurent inscrits à l'index, sans doute pour impressionner le lecteur, et comme s'il ne savait pas qu'au moment où il l'écrivait, l'index était supprimé depuis une trentaine d'années déjà. Et s'il mentionne le jugement de saint Pie X sur Maurras: « c'est un beau défenseur de la foi », c'est pour l'écarter sans autre motif que de le trouver « peu vraisemblable». Saint Pie X a-t-il vraiment dit que Maurras était un beau défenseur « de la foi » ? N'aurait-il pas dit plutôt, objecte-t-on, « du saint- siège », ou bien « de l'Eglise » ? L'objection a souvent été faite sans se rendre compte qu'elle ne tient pas, car si l'on est un beau défenseur « de l'Eglise, ou « du saint- siège», par le fait même, fût-ce sans en avoir clairement conscience, l’on est forcément un défenseur « de la foi ». On est ici au centre d'une vaste question, qui concerne l'interprétation catholique de la pensée maurrassienne.

Question capitale, qui n'est pas seulement défigurée par l'animosité militante de l'extrémisme démocrate chrétien chez Prévotat, mais qui d'autre part est méconnue par« des hommes que qualifie leur seule érudition ». Ecrire sur Maurras 570 pages d'un texte serré comme des sardines dans leur boîte, et n'y pas consacrer une seule ligne à la parole de saint Pie X que Maurras déclarait « l'honneur de [sa] vie », c'est le tour de force de Stéphane Giocanti, qui bien sûr dépasse par le nombre de pages la superbe Vie de Maurras d'Yves Chiron, mais démontre la vanité de l'érudition quand elle est tristement orpheline d'un minimum de discernement. Exemple: Giocanti mentionne Le bienheureux Pie X, sauveur de la France, mais sans apercevoir la portée que lui donne la déclaration de Maurras affirmant avoir écrit ce livre « comme un testament ». De plus, Giocanti le mentionne apparemment par ouï-dire et sans l'avoir jamais eu en main, puisqu'il l'intitule: Le bienheureux saint Pie X. C'est la bévue révélatrice du béotien universitaire.

Comme on pouvait s'y attendre, L'Action française 2000 de Pierre Pujo et Michel Fromentoux avait vivement réagi l'année dernière aux fantaisies malsaines de Giocanti présentant Maurras comme un es- prit vieillissant et sclérosé à partir de 1938. C'est Giocanti, et non Maurras, qui ne comprend plus rien à partir de cette date, ni le sou- tien à Franco, ni l'opposition à une déclaration de guerre non préparée par un armement suffisant, ni la participation à la révolution nationale « travail-famille-patrie ». Gérard Baudin avait en outre très justement noté le déséquilibre suspect par lequel, dans le livre de Giocanti, « la condamnation [romaine] occupe beaucoup de place tandis que sa levée est d'une déroutante discrétion ». On aura sans doute l'occasion d'y revenir, notamment du 14 au 17 juillet à l’université d'été de Renaissance catholique.