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Bulletin Charles Maurras

Notes et réflexions
par Charles MAURRAS

Choix de pensées publié dans L’Action Française le 7 janvier 1937 à l’occasion du Jubilé littéraire de Charles Maurras.


La pudeur est une parure, la nudité en est une autre. Une ligne élégante se suffit, comme une taille belle et svelte, élancée d'un jet pur.

L'art vrai ne peut aller sans quelques-unes des qualités du caractère et de la volonté.

La subordination n'est pas la servitude, pas plus que l'autorité n'est la tyrannie.

L'autorité viendra d'où elle vient toujours, d'où ne peuvent venir ses contrefaçons révolutionnaires : elle sortira des profondeurs du droit historique, elle jaillira de la nature de notre terre et de notre nation.

L'avenir appartient à qui recueille et sème l'éternelle fleur du passé.

Il est beau de sentir qu'une belle colonne dorique, c'est le beau parfait. Il est meilleur de le sentir et de savoir la raison de son sentiment.

Il faut tirer de soi et du bon exercice de sa fonction ses paradis intérieurs.

Choisir n'est pas exclure ni préférer : sacrifier.

Toutes les fois que les disciples de Rousseau et de Kant mettent la main sur leur cœur pour parler de leur conscience et de sa liberté, on peut être assuré que le terrorisme va dresser l'échafaud ou lancer la bombe quelque part.

On peut admirer, comme on aime, sans estimer. Les sentiments lucides ne sont pas les moins chauds ni les moins décisifs, et ils ont l'avantage de ne pas s'égarer.

Désespérer est permis à qui doit mourir. Mais les nations par rapport aux hommes sont immortelles; brisées et partagées, elles peuvent tenir indéfiniment.

L'égalité ne peut régner qu'en nivelant les libertés, inégales de leur nature.

Huit reflets à un chapeau ne font pas un homme d'élite.

La sagesse politique consiste à savoir qu'il y a des imprévus dans la marche du monde : elle échelonne les moyens d'y faire face et d'y pourvoir.

Les imbéciles ont des grâces d'état pour devenir très rapidement des coquins.

Le relâchement de la pensée est toujours une faiblesse au gouvernement. Mais l'opposition, c'est un véritable crime. Il n'y a que la vérité pour armer et soulever un peuple.

La force c'est l'indispensable, mais si on veut la retenir, la fixer, la capter, il faut l'idée.

Notre France est une œuvre d'art.

Misérable quand elle est divisée, la France renaît à la gloire quand ses divisions disparaissent. Son instinct le lui dit, sa mémoire le lui rappelle, sa raison le lui explique.

Il y a des moments de l'Histoire qui sont si étroits et si difficiles que les héros eux-mêmes n'y peuvent rien sauver qu'un principe, une tradition, une idée.

Comme toutes les plus belles inventions de l'homme sont nées de sa tristesse et de son mécontentement, les beaux éclats de l'histoire des peuples ont été presque tous préparés, mûris et comme enfantés dans la douleur.

Un véritable homme d'État n'agit point en vue de l'unique succès immédiat. Il sait qu'il peut mourir avant que toutes les semences aient donné leurs fruits apparents.

Le scepticisme qui est une bonne défense immobile contre les idées fausses, n'a jamais été un mayen de faire avancer une idée juste.

Le patriotisme, quand la raison l'éclaire, n'est que le synonyme de la pitié la plus profonde, des plus hautes tendresses et enfin de l'humanité.

La pensée étant ce qu'il y a de plus honorable dans l'homme, je ne vois pas pourquoi l'on n'y mettrait point quelques risques de souffrance et même de mort.

Une pensée sereine, qui est saisie de quelque vérité utile et sublime, est assurée du calme à la condition de lui être fidèle.

La tradition n'est pas l'inertie, son contraire : l'hérédité n'est pas le népotisme, sa contrefaçon.

La vérité est intraitable. Ce sont les personnes humaines qui ont le devoir de composer et de concilier. Au-dessus d'elles, la vérité se garde pure. Elle ne varie pas au fond de son ciel. Ce qui est, ce qui n'est pas n'est pas, nous n'y pouvons rien.

La sincérité n'est pas la vérité. L'intention la plus droite et la plus ferme volonté ne peuvent pas faire que ce qui est ne soit pas.

La vraie tradition est CRITIQUE; faute de ces distinctions, le passé ne sert plus de rien, ses réussites cessant d'être des exemples, ses revers d’être des leçons.

Un objectif : le bien public. Un moyen de l'atteindre : la vérité. Les chemins de traverse, surtout les circuits de traverse, sont de faibles secours. On s'y perd. Mais la vérité sauve.

Charles MAURRAS